L’Amuse-Bar, bastion du lien humain

Les fondateurs de L’Amuse-Bar posent devant la ludothèque qui rassemble près de 2000 jeux de société. / Photo: Khadija Froidevaux
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Les fondateurs de L’Amuse-Bar posent devant la ludothèque qui rassemble près de 2000 jeux de société.
Photo: Khadija Froidevaux

L’Amuse-Bar, bastion du lien humain

AMITIÉ
À La Chaux-de-Fonds, un café ludique défie la tyrannie des écrans en recréant des espaces de présence, de partage et de lien.

Sous les fresques d’un ancien manège à chevaux, L’Amuse-Bar a investi l’un des plus beaux bâtiments de La Chaux-de-Fonds. Ce soir de mai, les verres tintent, les rires fusent par instants. Mais, surtout, les regards sont concentrés: ici, pas de téléphones sur les tables, mais des pions, des cartes et des dés. Depuis janvier 2023, Vanessa Thomann et Stéphane Fleury font vivre avec passion ce lieu atypique, où près de 2000 jeux de société sont accessibles au public grâce à un partenariat avec Ludesco, le plus grand festival ludique de Suisse. Sur un mur spectaculaire, des centaines de boîtes aux couleurs vives s’empilent jusqu’au plafond, invitant à explorer un monde foisonnant de stratégies, de hasard et d’esprit d’équipe.

Un groupe d’habitués – quadragénaires et quinquagénaires – s’est retrouvé autour d’une fondue avant de sortir les cartes. «Au début, on ne se connaissait pas», raconte Pascal, l’un des fidèles. «Maintenant, on ne se rate plus. Le jeu a fait naître des amitiés.» Vanessa Thomann confirme: «Des personnes arrivent seules et se font de nouveaux amis. Ce lieu a une fonction sociale essentielle.»

Une reconquête de l’instant

Plus loin, autour d’un jeu, évidemment, Aude et Matisse, deux amies d’une trentaine d’années, prennent le temps de répondre à mes questions. Aude vient régulièrement. Matisse découvre l’endroit. Ce qui les séduit? «L’envie de sortir, de changer les habitudes, d’être ensemble, sans écrans», explique Aude. Matisse poursuit: «Les réseaux sociaux, on les consulte, c’est vrai, mais ce n’est pas ce qui construit nos relations. Ici, c’est différent, on se découvre autrement.» Aude ajoute: «C’est chouette de jouer avec des inconnus. Un jour, j’ai été invitée à une table et depuis on reste en contact.»

Autre table, autre atmosphère. Noé et Frédéric, deux inconnus d’horizons différents, jouent aux échecs. Concentrés, mais disponibles pour discuter. Noé se confie: «À la maison, je suis vite happée par les écrans. Ici, c’est comme retrouver une part de mon enfance.» Frédéric renchérit: «Les jeux de plateau, c’est une troisième voie. Ni sport ni écran, mais une expérience à part entière. C’est une manière simple de partager.» Le besoin de se reconnecter au réel semble être le moteur de ces soirées. Ce qui est recherché ici, ce n’est pas la performance, mais la qualité du lien humain. 

Le duo a fondé ce lieu après la pandémie. C’est lors de soirées entre amis que l’idée a germé. Aujourd’hui, ils organisent des animations variées: blind-tests musicaux, soupers murder party, challenges pour entreprises, loto animé par des drag-queens… Vanessa Thomann, qui a mis sa vie entre parenthèses pendant deux ans pour faire vivre L’Amuse-Bar, insiste: «Je ne suis pas pour opposer les jeux en ligne et les jeux en présentiel. J’ai beaucoup joué sur ordinateur et j’ai adoré. Mais ici, ce qui change, c’est le partage direct.» Son aco-yte conclut: «On ne demande pas aux gens de poser leur téléphone. Ils l’oublient d’eux-mêmes.»

Phénomène générationnel 

Le Offline-Club, né à Amsterdam après la pandémie, propose des soirées sans téléphones pour favoriser les échanges humains et la déconnexion numérique. Ce mouvement, fondé par trois amis néerlandais, connaît un succès croissant dans des villes comme Paris, Londres, Berlin ou Bâle. Le concept: laisser son téléphone à l’entrée et profiter d’un moment simple, sans distraction numérique. Porté par une génération saturée d’écrans, ce phénomène traduit un besoin grandissant de retour au réel, de lenteur et de relations authentiques.