Fin de vie et deuil: deux festivals pour ces moments clés de l’existence

La pasteure Chantal Rapin (à gauche) et la diacre Christel Matthey préparent leur premier festival. / ©Elise Dottrens
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La pasteure Chantal Rapin (à gauche) et la diacre Christel Matthey préparent leur premier festival.
©Elise Dottrens

Fin de vie et deuil: deux festivals pour ces moments clés de l’existence

Rendez-vous
Le week-end du 1er novembre auront lieu «Et si on parlait de la mort?» pour la première fois, à Gland, et le «Toussaint’S Festival», à Lausanne, qui tire sa révérence. Deux belles manières de parler de l’après.

Apprendre à mieux accompagner la fin de vie: c’est l’objectif de «Et si on parlait de la mort?»prévu du 31 octobre au 2 novembre.
Une première portée par une équipe de femmes sensibles à la question. Pour mieux appréhender la mort, parlons-en: c’est l’idée – lancée par le Toussaint’SFestival – de la diacre Christel Matthey et la pasteure Chantal Rapin, de la paroisse de Gland, Vich et Coinsins. Leur week-end sera plus spécifiquement consacré à la fin de la vie et à notre manière de l’attendre. «Les gens sont complètement démunis face à la mort», explique Christel Matthey. «Même si, au fond, elle est la seule certitude que l’on a!»

Parler de la mort entre vivants
Pour les «munir», donc, une petite dizaine d’intervenants, ecclésiaux ou laïques, se passeront la parole en abordant la mort sous plusieurs angles. Directives anticipées, pompes funèbres, approche théologique, soins palliatifs, l’idée est de toucher un maximum de gens. «Rien ne nous prépare à un deuil», admet Chantal Rapin. «On doit faire les choses dans l’urgence de la fin ou de la maladie. Cela restera toujours douloureux, mais il devrait y avoir la possibilité de poser les choses paisiblement, de se demander ce dont on aurait besoin le jour venu.» Il s’agit d’atteindre les futurs morts, mais également les vivants, car si ceux-ci ne sont pas placés face à l’incertitude de l’après, ils doivent gérer de l’administratif à profusion. Tout en vivant leur deuil. «Ils ont besoin d’être accompagnés à ce moment-là et qu’on leur donne des outils pour la suite», ajoute la pasteure. La possibilité pour les endeuillés de parler de la mort d’un·e proche permet, paradoxalement, de préparer la leur. «Plus on s’y prend en amont, plus on peut dédramatiser le sujet.» Aujourd’hui, la pudeur est de mise pour aborder l’éventail des aspects mortuaires. «La vie est encensée et on n’a pas envie de penser à la mort.
Son côté ‹ non maîtrisable › reste quelque chose de difficile. Il faut gérer cette angoisse», explique Chantal Rapin.

L’Église aussi à domicile
Le suicide assisté, par exemple, permet symboliquement de tenter de garder une forme de pouvoir sur la mort. L’Église, elle, peut avoir des solutions pour lâcher prise.
Le concept de résurrection offre ainsi une réponse existentielle, même si son interprétation reste souvent personnelle.
Depuis 2018, pour les personnes enfin de vie, un accompagnement par des aumôniers en soins palliatifs a été mis en place – et sera présenté au cours du festival.
Ils sont cinq à épauler, si nécessaire, les équipes mobiles de soins palliatifs, composées d’infirmiers, de médecins et de spécialistes en santé mentale.
La diacre Anne-Sylvie Martin fait partie de ces aumôniers à domicile. Depuis bientôt trois ans, elle sillonne le canton pour rendre visite à des personnes proches de la mort. Parce que là aussi, prendre les devants est la clé pour un départ serein. «L’idée était de ne pas attendre que lesgens soient à l’hôpital. Là-bas, ils ont une batterie d’examens, ils sont stressés et c’est parfois le dernier moment. Au contraire, pouvoir tisser un lien avec le patient en amont, comme une transversale entre le domicile, l’hôpital, et quelque fois même jusqu’au service funèbre, est très bénéfique.» L’accueil chez la personne en fin de vie permet au soignant d’être invité dans son intimité spirituelle. C’est d’ailleurs l’aspect de son travail qu’Anne-Sylvie Martin chérit le plus. «L’alliance avec le patient se crée beaucoup plus facilement qu’à l’hôpital. Il y a quelque chose de l’ordre de l’intime et de la proximité qui me ressource beaucoup.» Pour elle, pouvoir accompagner la personne jusqu’à sa mort, et ses proches ensuite, permet de voir de nombreuses «résurrections». Car on peut se relever de la perte d’un être cher. «On est capables de se remettre de beaucoup de choses dans la vie, grâce à une énorme force de résurrection.» C’est par ce message d’espoir et de spiritualité qu’elle introduit la parole biblique dans la vie de ses patients. Sans obligation de croire ni conviction établie. Un accompagnement que Chantal Rapin lie avec celui, par Jésus, des pèlerins d’Emmaüs. «Qu’ils soient croyants ou pas, on est là. Nous aimons amener une garantie que, quoi qu’ilarrive, ça va aller. Qu’on peut leur permettre de faire un pas de plus dans leur deuil.»
 

En pratique
Festival «Et si on parlait de la mort?», du 31 octobre au 2 novembre, temple de Gland (entrée libre). Informations et programme: ici.

Débats sur l’au-delà
Un nouveau festival sur la mort entre en scène, un autre disparaît. Après neuf ans, le Toussaint’SFestival s’apprête à célébrer sa dernière édition. «Un tel rendez-vous est un énorme travail», admet sa directrice artistique, Alix Noble. «Et sans subventions, on n’y arrive plus.» Car le festival n’a jamais reçu de subventions et la recherche de fonds a forcé les organisateurs à repenser leurs priorités. Du 30 octobre au 4 novembre, le thème de l’au-delà sera abordé par tout un panel d’intervenants. Au programme, des comédiens,une conteuse, et même un film. «C’est un sujet très émotionnel et nous voulions donner les outils nécessaires au public pour penser la question.» Ici aussi, gens d’Église et laïcs se partageront la scène. L’anthropologue Aurélie Netz présentera les différentes approches culturelles du lien avec un défunt. La philosophe et théologienne Lytta Basset mêlera les aspects théologiques et émotionnels du lien avec l’au-delà. «Ce sont toutes des approches sérieuses et en même temps très nouvelles. On commence seulement à s’intéresser à tout ça», explique Alix Noble. Qui témoignera de son expérience de protestante en lien avec le deuil de sa fille, décédée brutalement il y a quelques années. «Comment aborder les rêves que je fais, les sensations que j’ai, compte tenu de l’interdit de la communication avec l’au-delà de la culture protestante. Alors que les premiers qui ont eu un contact avec un défunt, c’était les témoins d’Emmaüs!» Et si la mort n’était pas une fin mais un passage? C’est une des questions clés que cette édition traitera…tout en faisant face à sa propre fin. Alix Noble espère qu’elle se traduira par de nouvelles propositions. Si la thanatologue ne manque pas d’idées, elle trouve l’initiative de la paroisse de Gland encourageante. «Quand j’ai abordé la question pour la première fois dans les milieux théologiques, c’était un scandale, surtout que le dimanche de la Toussaint tombe en même temps que celui de la Réformation! C’est chouette que d’autres gens reprennent.»

En pratique
Toussaint’S Festival, «L’au-delà: le grand débat», du 30 octobre au 4 novembre, Centre culturel des Terreaux(Lausanne). Programme sur ici, billets sur ici.